Pierre Perrin, Des jours de pleine terre, [en ligne, 2018]

Pierre Perrin-Chassagne
Des jours de pleine terre

[Première partie, exergue et premier poème]

Marche à vie

Il est des enfances fraîches
Que restituent de calmes ondées
Ou de grandes étendues de lumière.

D’autres moins tranquilles creusent
Au secret un puits sans margelle.
On se penche, on ne discerne rien.

Cette eau-là ne désaltère pas.
Sa fraîcheur ne peut faire oublier
Que chaque goutte a dissout un cadavre.

Naissance

Depuis des jours, des mois, une voix d’entre la peau
Si douce au cœur berce ma vie d’inconscience.
Quel trait de feu me frappe ? Que font, tout à coup,
Ces doigts, ces mains à m’agripper, à m’arracher ?
La lumière pleut à verse. À demi-défunt que je fais,
C’est pendu par les pieds qu’on m’établit, sur terre,

Pour vivre parmi les hommes.

J’entends mal ; je crie à crever mes tympans. J’ai froid,
Où brûlent ma narine, ma glotte. J’ai les plus grands
Maux à trouver la gorge, déjà de glace, de ma mère.
En ce jour majuscule, on nous a séparés. Je pleure
Fort l’illusion, la première ; mon premier mort tarira
Mes larmes. Pire qu’un drôle d’air tombé du ciel,
Sans paroles ni partition, un ver luisant bon à crisper
Les doigts, je hume ce que j’ignore être du bonheur.

Pierre Perrin, Des jours de pleine terre à paraître

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