Pierre Perrin-Chassagne
Des jours de pleine terre
[Première partie, suite, poèmes]
Ouvrir la porte
Comme des chatons risquent une paupière, sur le temps potelé, notre tour arrive.
La faiblesse est notre force. Au premier cri, on nous lève vers la lumière.
Le monde babille. Voyons ce que nous veut le temps, dit le père. Et son bâton pousse la porte.
On suffoque d’admiration, à son côté, seul, dans la blancheur de l’aube.
Attelé à un tronc, le pic-épeiche fait grouiller l’écorce. On voit des feuilles s’enivrer des primes vertes chaleurs d’avril, des chevaux se rouler par terre et des vaches à leur tour s’ébrouer sur les verts paradis tendus de barbelés.
Tandis qu’on affûte la faux pour les herbes à col dur, les trèfles, les luzernes, on s’ouvre en aveugle, de la tête aux pieds, aux lilas, aux violettes, aux promesses de noix.
Le monde s’agrandit à la mesure de nos courses. Si chacun sue des litres d’orgueil par défaut d’une caresse, derrière des portes qui ouvrent mal, on chante, sans voix.
Toujours le ciel s’essuie après l’orage ; les foins montent à la tête avec les cerises. La vie ouvre les bras, quand même nous ne savons pas lire.
Pierre Perrin, Des jours de pleine terre, [en ligne, 2018]