Pierre Perrin-Chassagne
Des jours de pleine terre
[Première partie, suite, poèmes]
Dérive sur une mère morte
À Didier Pobel et Philippe Schmid
Belle comme rose, tes pétales immolés, pourrais-je ne pas te perdre ? La mort te malmène comme la grêle le feuillage. Tu agonises ; j’accroche des lampions sur l’avenir. Tu pèses de moins en moins sur ta couche, grignotée de l’intérieur. Or je ménage jusqu’à mon sommeil. Sans doute non coupable, mais le vide reste sans auberge, je croule de l’âme. Tu ne cesses de surgir, avec des gestes hachés, du sang comme en enfance, tandis que des genêts respirent, des landes s’ébrouent, des champignons chaque matin crèvent des bouses, loin de ton œil. Ce faucon encapuchonné déjoue-t-il encore quelques pièges pour toi ? Je reste atterré, sans te rejoindre, sans rien pouvoir. Le chemin se perd, la nuit doucement me dégante de ma peau. Je ne change guère en apparence. Insulaire à ta rive submergée, tu restes ce fond sur lequel, ivre, fouetté de tes silences, j’ai appris à marcher. L’opaque en faction, je dérive vers quelles Sargasses maintenant ? Il n’est rien pour me rapporter ce grain de ta peau d’étoile. Nous demeurons isocèles, toi, pour jamais un souvenir, et moi.
Nous ne nous joindrons plus.
Pierre Perrin, Des jours de pleine terre, [en ligne, 2018]